Les orages de grêle sèment la désolationLundi et mardi, la grêle a frappé localement, dévastant de nombreuses exploitations. Reportage dans les vignes sinistrées de l'Entre-deux-Mers .
La veille, ils y avaient échappé ; hier, ils n'y ont pas coupé. En pleine nuit, sur le coup de 4 h 30, un violent orage de grêle s'est déclaré, accompagné de pluies diluviennes (40 millimètres en une demi-heure par endroits) et de vents de tempête.
Le cocktail météorologique détonant s'est engouffré sur un couloir rejoignant les communes girondines de Créon, Saint-Quentin- de-Baron, Tizac-de-Curton, Grézillac, Branne, Moulon, Génissac, Saint-Sulpice-de-Faleyrens et Saint-Émilion. Pile poil plein nord de l'appellation viticole de l'Entre-deux-Mers. Résultat : le désastre.
Il n'est pas un vignoble qui n'ait été touché à des degrés divers. À Moulon, dans la quarantaine de propriétés sur 550 hectares, on frise les 100 %. « Au moment de l'orage, je ne pouvais plus dormir. J'ai pris ma voiture et, à la lumière des phares, j'ai vu des congères sur le bord de la route sur 10 kilomètres », témoigne Joël Duffau (château La Mothe Du Barry), encore sous le choc. « Hier, tout était vert, prêt à être levé. Aujourd'hui, cinq minutes de grêle ont tout anéanti. Même mon père n'a jamais connu un orage d'une telle violence », poursuit l'exploitant.
Récolte anéantieLes deux tiers de ses 38 hectares ne donneront pas de récolte l'année prochaine. Il devra se contenter de ses 7 hectares à Naujan, à quelques kilomètres de là , qui, eux, n'ont subi aucun dégât. C'est une douloureuse certitude. Elle concerne tout le monde dans cet Entre-deux-Mers qui produit aussi du bordeaux et du bordeaux supérieur.
Joël Duffau se retrouve nu comme ses ceps sans feuilles. Il va lui falloir traiter les pieds dans les douze heures pour permettre la cicatrisation de ces vignes meurtries par le bombardement des grêlons et qui ne connaîtront pas la floraison. Un travail qui s'annonce fastidieux, d'autant plus pénible qu'on sait qu'il ne rapportera rien l'année prochaine.
Mille-feuille de catastrophes« Il va y avoir des morts. C'est un mille-feuille de catastrophes qui s'abat sur nous avec la crise viticole, la crise économique, des demandes de mises aux normes abusives et, maintenant, ça. La démotivation est totale », affirme-t-il. Le viticulteur est déjà obligé de penser aux problèmes qui s'annoncent et avance des remèdes qui s'apparentent à des rustines. Il ose espérer qu'on permettra aux plus touchés de faire des baux de fermage d'un an auprès de l'opérateur foncier rural, la Safer.
Il demande aussi la reconnaissance de l'état de commune sinistrée et l'étalement des annuités des emprunts, ainsi que des prêts à court terme pour la trésorerie. Un an sans vin, ce sont des clients qui s'évaporent. Et la filière, dans sa grande majorité, ne s'en remettrait pas sur ces terres basses d'où l'on aperçoit Saint-Émilion sur son piédestal.
Château Penin, Génissac, à quelques kilomètres de là . Ici, le propriétaire, Patrick Carteyron, ne veut pas jouer les pleureuses. Il sait des collègues beaucoup plus mal lotis que lui, même si les 5 hectares qu'il vient de perdre en une nuit ne sont pas anecdotiques. « Avec un orage aussi localisé, ce sont les propriétés groupées qui ont le plus souffert. La mienne est morcelée sur 38 hectares. Cela faisait bien trente ans qu'on n'avait pas connu un orage de grêle d'une telle ampleur. En cinq minutes, c'était l'hiver », raconte-t-il.
Pas assurésToutes les branches des ceps qu'il touche ont cassé ou se brisent comme du verre, et de grappes de raisin naissantes, il n'y a plus. « Il va falloir tout ratiboiser pour espérer avoir des branches de taille l'année prochaine, mais rien n'est moins sûr. Déjà que la récolte 2008 n'avait pas été terrible avec - 35 %, il va falloir faire avec cette nouvelle calamité. D'autant que, sans nuire à la qualité, il n'est pas possible de produire plus. On ne compense jamais ce qui est perdu », reconnaît-il. Comme il avoue, avec la plupart de ses voisins viticulteurs, ne plus être assuré contre le risque de grêle. Ses parents l'étaient, mais c'est devenu un luxe. Du moins jusqu'à ce maudit 13 mai des saints de glace, à 4 h 30. Vraiment pétantes.
Auteur : JACKY SANUDO
http://www.sudouest.com